La cérémonie de remise des rapports a eu lieu, le 20 juin 2023, avec la participation de six organisations représentant respectivement le Cameroun, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Congo, le Tchad et le Burundi. L’événement marquait la présentation des résultats de l’élaboration de l’Indice africain des Droits et des Libertés sur l’internet 2022. Cette initiative, destinée aux pays d’Afrique francophone, a pour objectif d’informer les citoyens sur l’état de l’internet dans leur pays et de fournir des conseils aux gouvernements dans leurs décisions relatives au numérique. De plus, elle encourage l’échange d’expériences entre différentes organisations.
En 2022, seuls six pays ont été inclus dans l’étude, contrairement à l’année 2017 où seule la République du Cameroun avait fait l’objet d’une analyse par l’association Protège QV. L’association souhaite élargir cette étude à dix pays d’ici 2027. Le Cameroun affiche un taux de pénétration d’internet de 36,5 % en 2022, une densité téléphonique mobile de 84,4 % en 2020, et 90 % des Camerounais se connectent à internet via un terminal mobile.
Lors de l’atelier du 20 juin 2023, un pays s’est particulièrement distingué : le Sénégal. Selon Ababacar Diop, juriste et président de l’organisation « Jonction », le pays a obtenu un indice africain des droits et des libertés sur l’internet (IADL) de 0,604. En comparaison, le Cameroun a obtenu un score de 0,556. Ces résultats sont basés sur l’analyse de 13 principes, notamment l’ouverture, l’accès et l’accessibilité à l’internet, la liberté d’expression, le droit à l’information, la liberté de réunion et d’association en ligne, la diversité culturelle et linguistique, le droit au développement et à l’accès au savoir, la vie privée et la protection des données personnelles, la sécurité, la stabilité et la résilience de l’internet, les groupes marginalisés et à risque, le droit à une procédure régulière, la gouvernance démocratique et multipartite de l’internet, ainsi que l’égalité entre les hommes et les femmes. Chaque principe est évalué sur une échelle de 0 à 1. Les scores inférieurs à 0,5 sont considérés comme médiocres, ceux entre 0,5 et 0,75 sont considérés comme moyens, et ceux supérieurs à 0,75 sont considérés comme bons.
Les principes clés des droits et des libertés en Afrique se déclinent en 13 points essentiels
Le principe d’ouverture est évalué à 1,00 au Sénégal, tout comme au Congo Brazzaville. Le Burundi et le Tchad obtiennent une note de 0,68, tandis que le Cameroun atteint 0,33 et la Côte d’Ivoire 0,57. En ce qui concerne la liberté d’expression, la Côte d’Ivoire obtient la meilleure moyenne avec 0,67, suivie par le Sénégal avec 0,47, loin devant le Congo Brazzaville avec 0,44, le Burundi et le Cameroun avec 0,33, ainsi que le Tchad avec 0,33. Selon Ababacar Diop, juriste et président de l’organisation Jonction, la performance du Sénégal en matière de liberté d’expression est nuancée en raison des dérives observées sur les réseaux sociaux, ce qui conduit parfois à des restrictions nécessaires de ces libertés.En ce qui concerne la liberté de réunion et d’association en ligne, le Sénégal se classe également en tête avec une note de 1,00, suivi par le Cameroun et la Côte d’Ivoire, tous deux avec 0,33. Le Congo obtient une note de 0,25, tandis que le Tchad et le Burundi obtiennent un score de 0. En ce qui concerne l’internet, le Sénégal présente une situation relativement satisfaisante, bien qu’Ababacar Diop souligne quelques lacunes, notamment en ce qui concerne l’égalité entre les hommes et les femmes. Le Sénégal obtient une note de 0,35, tandis que le Burundi obtient 0,56, le Cameroun 0,39, la Côte d’Ivoire 0,47, le Congo 0,14 et le Tchad 0,2. La diversité culturelle est également un point faible pour le Sénégal, qui obtient une note de 0,25, à égalité avec le Tchad, le Congo et la Côte d’Ivoire. Le Burundi et le Cameroun se partagent la première place avec une note de 0,75.
Les organisations ont formulé des recommandations
Les représentants des six pays ont émis des recommandations adressées aux décideurs, à la société civile et aux sociétés privées (opérateurs) en vue d’améliorer l’IADLI dans leurs pays respectifs. Par exemple, Ababacar Diop du Sénégal a recommandé aux décideurs de son pays de se familiariser avec la Déclaration africaine des Droits et Libertés de l’internet, de respecter et faire respecter les droits et libertés des citoyens en ligne, ainsi que d’adopter des politiques et des stratégies visant à rendre l’accès à internet libre, accessible, sécurisé et abordable.Sylvie Siyam, présidente de Protège QV, invite quant à elle les Agences de Régulation des Télécommunications à surveiller la qualité des services des opérateurs et souhaite que le régulateur encourage ces derniers à offrir des services adaptés au citoyen moyen. Elle propose également aux parlementaires d’organiser des sessions de renforcement des capacités des membres du Parlement en matière de droits humains.Sylvie Siyam espère également que les décideurs signeront et ratifieront le traité de Malabo sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel. Cette recommandation est soutenue par Jean Paul Nkuruzinza du Burundi, qui souhaite également la mise en place d’un cadre juridique pour encadrer la liberté d’expression et d’association en ligne.Dans la même optique, Salyou Fanny de la Côte d’Ivoire recommande que son pays veille à l’existence de textes visant à protéger les utilisateurs en ligne et encourage les pouvoirs publics à promouvoir l’identité numérique ivoirienne en favorisant le contenu multilingue. Elle encourage également l’innovation, la formation technologique et la création de start-ups pour soutenir la jeunesse, en plus de l’adoption de l’adresse IPv6, entre autres mesures.