Elle est bien loin, cette époque où les téléphones de marques chinoises étaient considérés comme de pâles copies de grandes firmes mondialement connues. Depuis quelques années, ces fabricants ont réussi à se faire une part belle sur le secteur du bas de gamme, mais aussi du milieu et du haut de gamme, jusque-là la chasse gardée des constructeurs tels que Samsung, Alcatel, LG, Apple, HTC, Huawei…

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Le terme « marque chinoise » soulève bien de confusions. En effet, il ne faut pas y voir seulement les téléphones conçus en Chine, ou même sur le continent Asiatique. Ce terme qui, dans le jargon ivoirien, prend l’appellation « chinetoc », fait référence aux « nouveaux constructeurs », principalement asiatiques, qui tentent de s’imposer sur un marché hautement concurrentiel, et qui ont toutes pour leitmotiv le « low-cost ».

D’abord, les premiers mobiles qui ont été introduits sur le marché se sont attaqués au secteur du bas de gamme. Leur force résidait dans des prix compétitifs pour attirer les bourses les moins fournies. Ainsi, ces « features phones » offraient les fonctionnalités de base (lecteur MP3, appareil photo, compatibilité GPRS (internet 2G)…), à des tarifs très compétitifs. S’il y a un détail qui a fait la force de ces mobiles, c’est bien leur capacité à embarquer plusieurs cartes SIM : deux pour certains, voire trois ou quatre pour d’autres. Il n’en fallait pas plus pour que tous les constructeurs s’y mettent. Les « chinetoc » venaient ainsi de donner le ton. Désormais, il fallait compter avec eux.

Mais, que reproche-t-on aux téléphones « chinetoc » ?

Ces téléphones ont d’abord investi le marché sous la bannière de marque déjà connues. Ainsi, les constructeurs faisaient preuve de grande créativité pour tenter d’imiter à la perfection des marques comme Nokia (Nokla), Samsung (Sumsung ou encore Sammsung), alors que d’autres apposaient directement le même nom. Il s’agit alors de la contrefaçon, tout simplement. Dès lors, dans l’esprit des uns et des autres, ces téléphones n’étaient que des imitations, des pâles copies. Leurs détenteurs pouvaient même se faire railler. Il n’y avait aucun prestige à en posséder.

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Puis, certaines marques ont entamé leur phase de positionnement. Le marché africain en pleine croissance, tout comme le marché Ivoirien, s’est alors présenté comme une aubaine, une manne qu’il fallait coûte que coûte aller conquérir. Mais avant, le plus difficile allait être de « casser » l’image que les consommateurs s’étaient construits.

Les smartphones : la grande ruée

En Côte d’Ivoire, les « téléphones chinois » se vendent bien. Un regard porté sur les chiffres donne un message clair. Le côté ringard de ces téléphones n’est plus le même, car depuis le temps, ils ont bien évolué. Ils attaquent tous les secteurs, et même le haut de gamme. Le boom de la téléphonie mobile a été appuyé par le développement des infrastructures de télécommunication. Selon les chiffres délivrés par l’Autorité de Régulation des Télécommunications en Côte d’Ivoire (Artci), le taux de pénétration de la téléphonie mobile était estimé à 122% en 2016. A cela, il faut ajouter l’avènement des smartphones, ces téléphones intelligents qui allient parfaitement souplesse de téléphone mobile, et fonctionnalités – à certaines proportions – d’ordinateur. Les constructeurs chinois ont alors orienté leurs efforts vers ces nouveaux types de mobiles, sans pour autant délaisser le secteur des features phones, dont la régression est remarquée.

Le site de vente en ligne, Jumia, présent dans plus de 20 pays africains dont la Côte d’Ivoire, présente des chiffres révélateurs de l’état des lieux du secteur du smartphone sur le continent. En Côte d’Ivoire, entre 2015 et 2016, les ventes de smartphones ont connu un bond de 20%. Le taux de pénétration de l’Internet estimé à 22% en 2016, n’y est pas étranger. En effet, 16% des internautes Ivoiriens se connectent à partir de leurs mobiles. Le marché est là, et les constructeurs chinois ont su le flairer. Pour faire toute la différence, ils misent sur des prix relativement bas.

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Payer moins pour avoir plus, est-ce possible ?

En février 2015, l’infinix HOT est lancé en Côte d’Ivoire par Jumia. Pour se le procurer, il faut débourser la somme de 45.900 FCFA. Sa fiche technique révèle sa compétitivité : écran 5 pouces, avec un espace de stockage interne de 16 Giga pour 1 Giga de RAM. Le Processeur de 8 cœurs est cadencé à 1,40 GHz. En guise d’appareil photo, le mobile est équipé de deux capteurs avec des résolutions de 2 Mégapixels à l’avant et de 2 Mégapixels à l’arrière. Sous sa coque, la bête embarque une batterie de 4000Mah. Le mobile est une réussite en termes de ventes. Ce n’est donc pas étonnant de constater que deux années durant, le Chinois Infinix se positionne comme la marque de téléphone la plus vendue sur le site de e-commerce. Plus tard, d’autres modèles (Hot 2, Hot 3, Hot Note, Hot S) viendront étoffer la palette du constructeur avec toujours un succès dont le secret réside, en grande partie, dans la politique du prix.

Selon un rapport publié par Jumia intitulé « Côte d’Ivoire : les tendances du marché Mobile – Jumia Côte d’Ivoire », au cours de l’année 2016, le top 5 des mobiles les plus vendus sur cette plateforme, dans 15 pays africains, est structuré comme suit : Infinix, Itel, Samsung, X-Tigi, Tecno Mobile.

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Ce classement qui ne peut certainement pas servir de référence, car ne prenant pas en compte les achats qui sont effectués en dehors de cette plateforme, laisse néanmoins comprendre que les choses ont évolué. Si pour beaucoup il faut plutôt miser sur l’expérience des constructeurs, ces nouveaux venus parviennent tant bien que mal à se tailler des parts de marché importantes.

 

Communication et disponibilité

A Abidjan, le Phantom 6 et le Phantom 6+ ont aussi eu droit à leur « keynote » – sorte de show à la Apple au cours duquel un mobile est présenté – lors de leur lancement, au deuxième trimestre 2016. Cadre feutré, cérémonie orchestrée au détail près, invités triés sur le volet… Tecno affiche clairement son ambition de grandeur. Sur internet, chaque lancement de produit est porté par des ambassadeurs qui, usant de leurs influences, multiplient les publications, les articles, les vidéos, les tests, pour faire découvrir les particularités du produit et vanter ses mérites. Une communication poussée influe, sans aucun doute, les choix des consommateurs.

Un autre aspect qu’il ne faut pas négliger, c’est la disponibilité de ces téléphones. A Abidjan, il est facile de se procurer des téléphones de marques chinoises à travers les étalages qui fulminent les coins de rues. Kacou, 25 ans environ, vend des téléphones portables dans la commune de Cocody. Sur son étalage, on remarque tout de suite une forte présence de téléphones de marques chinoises. Sa technique de vente est simple. Lorsqu’un client manifeste de l’intérêt, il lui demande tout de suite ses besoins, afin de déterminer le type de téléphone qui lui conviendra. Puis, la question relative aux prix suit : « C’est la Chine qui fait tout. Et dans tout ce que la Chine fait, il y a ce qui est bon, et il y a ce qui est mauvais » martèle-il.

Pour lui donc, on peut facilement se fier aux téléphones de marques chinoises, pour peu qu’on y mette le prix. D’ailleurs, il explique qu’il est possible de trouver des téléphones qui coûtent moins de 5.000 FCFA, mais bien entendu, ce sont des téléphones contrefaits.

Entre deux complaintes, le jeune vendeur lâche un proverbe typiquement ivoirien : « c’est là où ta main arrive que tu accroches ton caleçon », pour dire tout simplement que chacun s’équipe en fonction de ses moyens. Et les téléphones de marques chinoises offrent cette possibilité.

Zak Le Messager, YouTuber, a son avis sur la question de la qualité des téléphones venus d’Asie. Il soutient que ce qui fera toujours la force des « grandes marques », c’est le service après-vente (SAV). Bien qu’il possède un téléphone de marque Tecno, en plus d’un autre de marque Asus, il reste prudent : « Au-delà de 100.000 Frs CFA, ce n’est pas à conseiller », précise-t-il, pour expliquer que certains constructeurs chinois font de la surenchère.