Internet a changé radicalement les habitudes de communication de milliers de personnes à travers le monde. Dans cette évolution, les réseaux-sociaux ont une grande part. Leur particularité, c’est que malgré leurs spécificités, ils ont tous le but final de rapprocher les humains en permettant une communication plus facile, plus intuitive, plus instantanée et surtout qui se rapproche au mieux de la réalité. Il va s’en dire que c’est la vraie vie qui est plus ou moins transposée dans le virtuel. Pour certains utilisateurs, il est difficile de faire le distinguo entre ces deux univers. Pour ceux-ci, la dépendance aux réseaux-sociaux est engagée.

« Ne pas être connectée, ça devient très stressant »

Elle exerce une petite pression sur son smartphone, le casque à ses oreilles arrête de cracher les décibels. Elle l’accroche à son cou et se débarrasse par la suite de son téléphone qui atterrit sur la longue table. Elle y jette un coup d’œil furtif, arbore un large sourire, puis finit par « revenir sur terre ». Elle c’est Christiane, elle a 19 ans et a présenté l’examen du BTS, option communication visuelle.  L’étudiante a sa définition de la dépendance aux réseaux-sociaux :

« Pour moi la dépendance aux réseaux sociaux peut être vue comme une sorte de petite drogue. On est tellement dans la chose. Même si personne ne te parle, tu ne peux t’empêcher de scroller (faire défiler les publications). Et moi c’est ma drogue » explique-t-elle avec enthousiasme.

A quel moment devient-on accro ? A cette question, les réponses sont aussi nombreuses que variées. De façon générale, il ressort que l’on le devient lentement, au fil du temps. Christiane, comme plusieurs autres personnes, avait un usage normal dès ses premières heures sur les réseaux-sociaux, il y a quatre ans de cela. C’est en quelque sorte une habitude qu’elle avait déjà adoptée avec son téléphone par l’échange de textos avec des amis, qu’elle a adaptée aux réseaux-sociaux. « J’étais tout le temps avec mon téléphone en train de parler aux gens » précise-t-elle. Puis avec le temps, elle a commencé à être présente plus longtemps sur les réseaux-sociaux.

« Il y avait des restrictions parce que c’était l’ordinateur de papa que j’utilisais. Donc quand il n’y a pas de connexion tu fais avec. Et tu ne peux pas l’utiliser tout le temps parce qu’il te regarde. Mais après, avec les smartphones qu’on a pu avoir, ça été le boom »

L’une des forces indéniables des réseaux sociaux, c’est leur instantanéité. D’ailleurs, Christiane a mordu à l’hameçon et ne peut plus s’en passer. Pour elle, c’est 22 H par jour sur les réseaux-sociaux. Mais que fait-elle exactement ? La demoiselle admet que sa dépendance est venue de Facebook qui, elle l’avoue, devient un peu monotone souvent. Mais, parce-qu’elle a toujours aimé parler aux autres, cela lui permet de sortir un peu de son cadre de vie. Il faut cependant aller plus loin.

« Il m’arrive de me réveiller au cours de la nuit pour, par exemple, aller boire de l’eau. Et là je regarde mon smartphone. Finalement quand je lève les yeux, je vois le soleil se lever », dit-elle pour montrer son niveau de dépendance.

Les réseaux-sociaux, il y en a plusieurs. En fonction de leurs particularités, ils permettent aux utilisateurs d’effectuer des actions spécifiques. Après Facebook, Christiane a donc regardé ailleurs, et elle présente ses trouvailles comme des trophées de guerre :

« J’aime prendre des photos, donc je passe du temps sur Instagram. J’ai la possibilité de modifier mes photos selon mon état d’esprit. Et puis, il y a WhatsApp qui me permet de rester en contact avec mes amis qui sont loin. J’utilise aussi musicaly. »

Cependant, elle ne s’y aventure pas par suivisme mais par nécessité. Concernant Snapchat par exemple, elle admet ne plus en voir l’importance suite à la dernière mise à jour d’Instagram qui offre des fonctionnalités similaires. Elle ne l’utilise donc pas. Une telle présence sur internet a un coût. Mensuellement, Christiane dépense entre 15.000 F CFA et 25.000 F CFA pour rester connectée.

Les réseaux-sociaux, ce n’est pas la vraie vie

Il ne faut pas se fier aux apparences, les réseaux-sociaux, ce n’est pas la vraie vie. Arriver à faire la part des choses n’est pourtant pas toujours évident. D’abord, parce-qu’à priori, derrière les relations menées par écrans interposés, ce sont de véritables personnes qui interagissent. Il ne devait donc pas avoir de soucis à se faire. Ensuite, parce qu’il est possible de construire de véritables relations, au même titre que celles que le commun des mortels permet. Pourtant, il existe comme une sorte d’asymétrie entre ces deux mondes, une couche de méfiance et de réalisme qu’il faut savoir garder étanche, pour éviter les désagréments.

« Souvent on parle à certaines personnes sur les réseaux-sociaux d’une façon assez naturelle, parce qu’on est dans une sorte de bulle. Mais quand on sort de cette bulle, quand on se voit pour de vrai, souvent ça bloque. Il y a comme un bug » fait savoir Christiane.

De plus, aller dans l’autre sens n’est pas toujours aisé. Cela traduit clairement que ces deux réalités sont bien loin l’une de l’autre :

« les personnes avec qui on parle beaucoup dans la vraie vie, lorsqu’on se retrouve sur les réseaux-sociaux, c’est comme si on zappait leur vie. On ne voit pas la nécessité de leur parler », explique la demoiselle. 

Les dangers sont réels

Si les réseaux-sociaux permettent d’établir des connexions entre les personnes, de construire des relations, il faut garder à l’esprit qu’en définitive, chacun peut très facilement donner une image tronquée de lui. La meilleure facette de chacun est mise en avant et quand vient les occasions de se rencontrer, la déception est très souvent au rendez-vous. Avec nostalgie, la jeune demoiselle relate une histoire qui remonte à trois ans, au cours de sa première année d’utilisation des réseaux-sociaux :

« J’ai rencontré des amis avec qui on parlait tout le temps. Nous avions même créé un petit groupe d’amis. J’étais un peu la geekette du groupe. En ces temps-là je ne triais pas vraiment mes amis. Nous avions décidé un jour de nous rencontrer. J’y suis allée mais une fois que nous nous sommes rencontrés – eux se connaissaient déjà – ce n’étaient pas les personnes auxquelles je m’attendais que j’ai trouvé. Ils étaient dans un autre monde et moi j’étais ailleurs. J’ai dû trouver une excuse pour m’en aller ». 

Il y a certaines habitudes qui sont nées avec l’adoption en masse des réseaux-sociaux. Pour certains, les relations avec les autres ont littéralement été bouleversées jusque dans le cercle familiale. Chronophages et en perpétuelle évolution, leur usage non maitrisé peut avoir des fâcheuses conséquences. Mais dans le cas de Christiane, il ne faut pas s’en faire, sa mère, avoue-t-elle, est aussi hyper-connectée qu’elle.

« Ma mère est constamment connectée, elle a Facebook, WhatsApp, Viber et plusieurs autres applications. C’est souvent même sur Facebook ou sur WhatsApp qu’elle me fait signe, pour que je la rejoigne dans sa chambre, en haut » dit-elle entre deux éclats de rire. Par contre, son père, poursuit-elle, même s’il a un compte Facebook, est très rarement connecté.

Il faut donc trouver une sorte d’équilibre pour ne pas se perdre au milieu de ces outils toujours plus accessibles. Et quoi de plus efficace qu’une « trêve familiale » pour y arriver :

« Les réseaux-sociaux ne nous volent pas notre vraie vie car, nous nous sommes juste adaptés. Nous trouvons le moyen de passer du temps ensemble. Nous pouvons échanger pendant plusieurs heures et après, chacun retrouve son téléphone. Mais quand mon père me parle, instinctivement, je dépose mon téléphone » se félicite-t-elle.

De bons réflexes malgré tout

Christiane, bien qu’admettant sa dépendance aux réseaux-sociaux, n’hésite pas à garder les bons réflexes. Pour elle, il faut savoir lever les yeux, c’est d’ailleurs lors de ces courts instants là qu’elle se déconnecte vraiment.

« Je suis très attentive à tout ce qui se passe autour de moi. Dans la rue, lorsque des personnes s’approchent de moi, je lève la tête. Lorsque je me retrouve dans une zone qui n’est pas trop sécurisée, je garde mon téléphone dans mon sac » rassure-t-elle.

La dernière fois qu’elle a réussi à se déconnecter durant une longue période, c’étant pendant deux jours, un peu par contrainte « je n’avais plus de connexion » avoue-t-elle.

Elle ne s’imagine pas abandonner un jour car, au-delà des usages personnels qu’elle en fait, le cadre académique et professionnel l’oblige d’une manière ou d’une autre, à garder les yeux dans cet univers.

« En grande partie mes amis de classe sont connectés sur Facebook, et même certains de nos professeurs. Nous essayons donc de « bosser » en utilisant ces outils, en procédant par questions-réponses. Je me connecte aussi pour des recherches car, j’aime approfondir mes connaissances dans le cadre professionnel . »

Sur les réseaux-sociaux, Christiane se voit offrir des possibilités énormes, elle rencontre des personnes avec qui elle partage les mêmes centres d’intérêt. Elle y voit surtout, un outil extraordinaire qui lui permet de vivre ses deux premières passions à fond, à savoir « internet et la musique », et certaines fois de partager les photos de ses séances de baignade sur Instagram, puis sur Facebook et Twitter. La natation étant sa troisième passion.

« J’aime rencontrer les gens. Donc je trouve toujours le moyen, malgré que ce soit difficile, de sortir de ma bulle. » conclut-elle.