Un smartphone, une batterie bien chargée, une connexion internet stable, de l’endurance et une vigilance de chasseur. Tels sont les prérequis pour devenir un bon dresseur de Pokemon. Comme dans plusieurs pays au monde, la frénésie du jeu mobile, qui doit son succès à la réalité augmentée, Pokémon GO, s’est aussi répandue en Côte d’Ivoire. Une communauté qui continue chaque jour de s’agrandir, a ainsi été créée. A travers les rues d’Abidjan, ces joueurs vont à la recherche de bestioles rares et puissantes et tentent de s’imposer dans la ville.

Pokemon Go c’est un peu une seconde vie, ou plutôt un monde virtuel qui vient se greffer sur celui du réel pour ne faire qu’un avec lui. Par le passé, c’est sur des consoles de jeux que les fans de Pikatchu, petite souris de couleur jaune, devaient faire évoluer leurs bestioles. Le jeu avait connu un franc succès lors de sa sortie en 1996 et sera parmi les jeux les plus rentables durant plusieurs années avec de nombreuses séries.

Pour son retour en juillet 2016, The Pokemon Company, société éditrice du jeu a mis les bouchées doubles. S’appuyant sur la réalité augmentée, le jeu consiste à déplacer un avatar en effectuant les mouvements soi-même. Ainsi, quel que soit le lieu de résidence du joueur, le jeu dont le téléchargement est gratuit, s’adapte à son environnement en utilisant le GPS de son téléphone. A Abidjan aussi, une communauté de joueur s’est créée.

Pour évoluer, il faut bouger

             « Je suis un fan de Pokémon depuis la Game Boy Color »

Un Pokeshop

Jean-Marcel Diaith est âgé de 15 ans. Élève en classe première, il se présente comme un Gamer (un passionné de jeux vidéos). Il lui était donc impossible de ne pas embarquer à bord de l’aventure Pokemon Go. Avant même que l’application ne soit disponible officiellement sur Playstore, il avait déjà trouvé un moyen pour le télécharger comme beaucoup d’autres. Lors de notre premier échange, il a interrompu notre conversation pour se rendre à un Pokestop qu’il a repéré au niveau du Parc des Sports de Treichville. Les Pokestop sont des boutiques virtuelles où l’on peut effectuer des achats de divers accessoires indispensables pour évoluer dans le jeu dont des œufs, des pièces, des potions… L’aventure Pokemon Go, le jeune garçon ne l’a débutée que depuis deux semaines. Pour l’heure il est encore au niveau 2. Il s’en désole presque. 

De l’autre côté de la ville, dans la commune du Plateau, un autre joueur n’a lui pas du tout été surpris par la sortie du jeu. En effet, RodX (Pseudonyme), âgé d’une vingtaine d’année, est un inconditionnel de Pokémon depuis ses débuts sur les consoles. Il a donc suivi toutes les étapes de développement du jeu :

« Je suis un fan de Pokémon depuis la Game Boy Color. J’ai donc été au courant du projet de Nintendo sur le développement du jeu jusqu’à sa sortie officieuse aux USA et en Australie la nouveauté de celui-ci est basée sur le fait que les chasses se déroulent dans le monde réel en utilisant la camera de notre téléphone », précise-t-il.

                   Un Pokedesk

RodX a débuté l’aventure depuis 2 semaines et 6 jours exactement. Mais déjà, il est au niveau 12. Pour lui, ce n’est pas une belle performance car il « n’y consacre peut-être pas assez de temps comme certains » . Quotidiennement, il passe en moyenne deux heures à la chasse aux bestioles pour enrichir son Pokedesk (sorte de bibliothèque de Pokémon) et surtout à faire évoluer ses trouvailles. Lorsqu’il doit effectuer une course, il lance l’application sur son mobile, faisant ainsi d’une pierre deux coups. 

Zak Le Messager, un autre joueur qui n’a pas pu résister au jeu, fait comprendre que s’il s’est mis à l’aventure, c’est surtout par curiosité. Pour lui, l’idée est tout simplement géniale :

« Le jeu est passionnant et m’impressionne par sa simplicité et le modèle économique derrière. Il permet, ou du moins oblige les joueurs à sortir, à marcher, se balader pour trouver des Pokémons. Et c’est du sport bénéfique » explique-t-il.

Des contraintes, des exigences et un mode d’emploi

             « On peut se faire agresser mais il faut être intelligent »

La réalité augmentée est à la base du succès de Pokémon Go. Et pour suivre l’aventure, il y a des exigences. De plus, le joueur qui est à fond dans une partie peut s’exposer à des risques. Le plus probable est de se faire percuter par un véhicule dans la circulation, ou encore de se faire agresser et voir son smartphone arraché. RodX, estime qu’il y a des attitudes à avoir pour se mettre à l’abri comme « lever la tête de temps en temps pendant le jeu » et pour les plus jeunes, « sortir en groupe lors des sections de jeu » . D’ailleurs  le « gameur » de 15 ans, préconise, lui aussi, la prudence :

« On peut se faire agresser mais il faut être intelligent. Si tu te fais agresser, c’est surement parce que tu n’as pas été prudent. Aujourd’hui, quand je suis allé au Pokestop, il y avait plusieurs personnes qui me regardaient. Mais à chaque fois qu’on me regardait, je rangeais mon téléphone », conseille-t-il.

Le jeu n’est accessible qu’avec une connexion internet. Au regard des coûts encore élevés des différents forfaits proposés par les fournisseurs d’accès, cette exigence peut être un véritable frein pour certains dresseurs. Pour sa part, Jean-baptiste Diaith a dû souscrire à un forfait mobile pour profiter pleinement du jeu, délaissant ainsi la connexion internet fixe qu’il utilise habituellement à domicile.

Il ne faut pas perdre de vue que retrouver un Poketstop ou encore une arène (aire de combat ou les différentes équipes peuvent s’affronter) relève parfois d’un casse-tête. Pour Zak Le Messager, « le nombre de pokestops et d’arènes est faible, et ces espaces sont souvent éloignés ». Dans la commune de Cocody où il vit, poursuit-il, « nous pouvons compter avec deux pokestops à St Jean et une arène à l’Hôtel Communal. Pour le joueur qui habite loin de ces zones c’est la galère assurée. Les joueurs à proximité sont les plus heureux ». C’est d’ailleurs pour s’échanger des informations utiles comme la localisation de ces lieux mythiques de rencontres de dresseurs de Pokémons, qu’un groupe Facebook a été créé.

Pokemon Go, une passion et des astuces à partager

« L’objectif est de partager nos différentes impressions et remarques sur le groupe »

Comme dans la plupart des pays du monde, Pokemon Go a bien été accueilli et connait un franc succès en Côte d’Ivoire. A Abidjan, il existe bien une communauté. Sur Facebook, un groupe dénommé « Pokemon GO : Côte D’ivoire » a même été créé, son but selon RodX qui en est l’initiateur, est de partager une passion commune :

« Pour l’instant, le groupe est encore jeune. L’objectif est de partager nos différentes impressions et remarques sur le groupe. Et peut-être à l’ avenir créer des événements où toutes les différentes équipes se retrouveront, près d’une arène pour un match. Nous sommes a presque 50 membres pour l’instant et espérons plus ».

Les membres de ce groupe partagent leurs découvertes, des astuces, mais ils exposent aussi leurs préoccupations afin de se faire aider par les plus expérimentés. Les arènes répertoriées dans ce groupe jusqu’à ce jour sont : Plateau (Place de la république, Cathédrale Saint Paul, Notre Dame de Consolation), Cocody (Hôtel Communal). Au nombre des Pokestops : Plateau (Cathédrale de saint Paul, Place de la république, RASCOM près d’Ibis, Treichville (Château d’eau, Parc des sports) et Cocody (l’Oraliuum, l’hôtel communal).

On aime, on aime pas

Si Pokemon Go compte beaucoup d’adeptes, plusieurs personnes estiment que ce jeu est un destructeur de vie sociale. Dans certains pays, il a même été interdit. C’est le cas de l’Arabie Saoudite qui a voté une fatwa pour l’interdire dans le royaume.  Au nombre des raisons évoquées, il y a la capacité du jeu à inciter des individus à s’introduire dans des propriétés privées pour capturer un Pokémon. Cette situation s’est déjà produite dans certains pays.  

En Côte d’Ivoire, il y a aussi les pro et les contre-Pokemon Go. Pour Melissa Codjo, la trentaine révolue, sans passer par quatre chemins, il faut s’en méfier :

« À force de jouer à ce genre de jeux, la société cours vers un monde virtuel. Personnellement cela me fait penser à des films de science-fiction. Je pense qu’il faut s’en méfier au risque de perdre sa véritable identité et le sens de la vie en société », tente-t’elle de justifier. 

Par contre, pour les fervents défenseurs du jeu, il faut plutôt voir ses bons cotés, comme le souligne, RodX :

« C’est une bonne expérience ludique pour les plus jeunes et elle est une belle expérience sportive pour les flemmards. L’aspect gestion que le jeu inculque est aussi à mettre en avant», précise-t-il.

RodX, Jean-Marcel Diaith et Zak le Messager continuent leurs chasses aux Pokémons à travers les rues d’Abidjan. Comme eux, plusieurs autres viennent chaque jour grossir les rangs des fans de ce jeu qui continuera de faire parler encore longtemps de lui et surtout de faire grimper le poids financier de sa société éditrice.

Pour l’heure, le plus important pour les dresseurs est de toujours s’assurer que leurs smartphones disposent toujours d’une bonne autonomie et d’avoir une bonne connexion internet car, les Pokémons rares apparaissent souvent à l’improviste et, pour tout dresseur qui se respecte, manquer une telle occasion est une faute qui se paie cash.