Les exploitants agricoles du Maghreb adoptent l’utilisation des drones pour contrer les effets du changement climatique. Au-dessus des étendues d’orangers luxuriants plantés près de Nabeul, dans l’est de la Tunisie, un drone vrombissait.

Équipé d’une caméra multi-objectifs et de capteurs, ce drone noir était employé par les agriculteurs tunisiens pour s’adapter aux années de sécheresse et aux conditions météorologiques instables dues au changement climatique.

Yassine Gargouri, agriculteur local, constate : « Les saisons ne suivent plus les schémas antérieurs. Les températures peuvent maintenant s’élever dès le mois de mai, tandis qu’en août, nous observons des précipitations estivales inhabituelles. »

Pour contrer ces défis, Gargouri a fait appel à la start-up RoboCare pour scanner les arbres depuis les airs, évaluant leur hydratation, la qualité du sol et leur santé globale afin de prévenir des dommages irréversibles.

« La technologie nous fournit des informations précises sur les besoins en eau de chaque plante, sans surplus ni déficit », explique-t-il.

L’adoption de technologies modernes dans l’agriculture est en augmentation à l’échelle mondiale, surtout en Afrique du Nord, une région classée parmi les 33 pays les plus touchés par le stress hydrique, selon le World Resources Institute.

RoboCare, une entreprise employant une dizaine de personnes, se distingue comme la seule du genre en Tunisie, d’après sa fondatrice, Imen Hbiri, 35 ans, qui utilise des drones pour aider les agriculteurs à contrer les impacts du changement climatique, réduisant ainsi les coûts, les pertes de récoltes et la consommation d’eau.

« Le recours aux technologies modernes dans l’agriculture est devenu incontournable », affirme Hbiri, surveillant la trajectoire du drone sur son écran d’ordinateur.

Ayant grandi dans une famille d’agriculteurs, cette entrepreneuse comprend bien les limites des pratiques agricoles traditionnelles. Elle peut désormais détecter les signes de maladies ou de malnutrition des plantes en quelques clics, avant même qu’ils ne soient visibles à l’œil nu.

Les champs s’affichent sur l’écran en images RVB (rouge, vert, bleu) : plus les plantes sont vertes, plus elles sont en bonne santé.

Les agriculteurs peuvent utiliser des arroseurs montés sur les drones pour cibler précisément les plantes malades, réduisant ainsi les coûts.

« Grâce à cette technologie, nous pouvons économiser jusqu’à 30 % d’eau, réduire de 20 % les coûts des engrais et des médicaments, tout en augmentant la production agricole de 30 % », précise Hbiri.

Pour Gargouri, qui consacre la majeure partie de son budget aux engrais et autres traitements, cette technologie est la clé pour l’avenir.

« Nous devons nous adapter à ces changements, c’est notre défi pour demain », ajoute-t-il.

La Tunisie connaît actuellement sa huitième année de sécheresse, dont quatre consécutives, selon son ministère de l’Agriculture. Les barrages du pays, principale source d’eau potable et d’irrigation, ne sont remplis qu’à 22 % de leur capacité, et une vingtaine d’entre eux sont hors service, principalement dans le sud du pays.

Le Maroc, où l’agriculture représente une part significative de l’économie, a également été touché par une sécheresse sévère en 2022. Seuls 3 % des deux millions d’agriculteurs marocains utilisent les nouvelles technologies, selon Loubna El Mansouri, du ministère marocain de l’Agriculture.

Les drones pourraient réduire considérablement la consommation d’eau pour l’irrigation, passant de près de 300 litres par hectare avec les méthodes traditionnelles à moins de 20 litres avec cette nouvelle technologie.

De même, l’Algérie utilise des drones et des images satellites pour optimiser l’utilisation des terres agricoles, mais l’adoption généralisée de ces technologies est entravée par des réglementations strictes et des démarches administratives longues.

Hbiri espère que les autorités modifieront les lois pour faciliter l’utilisation des drones dans l’agriculture, permettant ainsi aux start-up de toucher davantage d’agriculteurs. Elle estime que seulement 10 % des agriculteurs tunisiens bénéficient actuellement de ces technologies.

« Nous voulons nous concentrer sur l’utilisation de la technologie, sans être ralentis par les obstacles administratifs, ce qui freine nos progrès », conclut-elle.