Dans un monde où le numérique façonne les opportunités économiques et sociales, l’Afrique peine encore à réduire la fracture numérique, particulièrement entre les hommes et les femmes. Derrière les chiffres, c’est une réalité bien plus profonde qui se dessine : celle d’un continent où l’accès inégal aux technologies de l’information perpétue les disparités économiques et limite le potentiel de millions de femmes.

Un accès inéquitable à Internet : un frein à l’émancipation féminine

Alors que l’usage d’Internet devient un levier incontournable pour l’éducation, l’emploi et l’entrepreneuriat, les femmes africaines restent en marge de cette révolution numérique. En 2024, seuls 31 % d’entre elles utilisaient Internet, contre 43 % des hommes, selon l’Union internationale des télécommunications (UIT). Cet écart ne se résume pas à une simple statistique : il reflète un manque d’accès à l’information, aux services financiers numériques et aux opportunités professionnelles, renforçant ainsi les inégalités de genre.

L’un des facteurs majeurs de cette fracture est l’accès limité aux téléphones mobiles. Bien que le téléphone portable soit le principal moyen de connexion à Internet en Afrique, les femmes en possèdent moins que les hommes. Une situation exacerbée par des réalités économiques et sociales où, dans de nombreux foyers, la priorité est donnée aux besoins des hommes, laissant les femmes avec un accès restreint aux outils numériques.

Les origines profondes d’une fracture persistante

Cette exclusion numérique ne relève pas seulement d’un problème technologique, mais d’un enchevêtrement de contraintes économiques, socioculturelles et éducatives. Dans des ménages où la survie quotidienne dépend de budgets extrêmement limités, investir dans un smartphone ou un forfait Internet représente un luxe souvent inaccessible. De plus, dans certaines cultures, la place des femmes reste cantonnée aux tâches domestiques, limitant leur autonomie financière et leur exposition aux outils numériques.

Un autre facteur clé réside dans la formation et l’éducation. Le manque de compétences numériques chez les femmes, associé parfois à une perception erronée du numérique comme un domaine « masculin », freine leur intégration dans cet univers. L’absence de modèles féminins dans la tech et l’innovation renforce cette distance, maintenant ainsi une fracture qui va bien au-delà d’un simple problème d’équipement.

Un manque à gagner considérable pour l’économie africaine

Loin d’être une question secondaire, l’inclusion numérique des femmes est un enjeu économique de premier ordre. Selon la Fondation Mastercard, si les obstacles limitant l’accès des femmes aux opportunités numériques étaient levés, le PIB de l’Afrique pourrait connaître une croissance de 287 milliards de dollars d’ici 2030.

De plus, le secteur de la téléphonie mobile, moteur clé de la transformation numérique du continent, pourrait générer 60 milliards de dollars supplémentaires si l’accès des femmes à Internet était égal à celui des hommes. Ces chiffres révèlent un paradoxe frappant : alors que l’Afrique cherche des leviers de croissance, elle sous-exploite un potentiel immense en maintenant une partie de sa population en marge du numérique.

Des solutions concrètes pour une transformation durable

Pour combler cette fracture, des actions ambitieuses doivent être mises en place. D’abord, l’investissement dans les infrastructures numériques est primordial pour améliorer la couverture réseau, notamment dans les zones rurales où vivent une grande partie des femmes non connectées. Réduire le coût des appareils et des forfaits Internet représente également un levier clé pour rendre l’accès plus équitable.

Mais l’inclusion numérique ne se limite pas à l’aspect financier. L’éducation joue un rôle crucial. Développer des programmes de formation aux compétences numériques, en ciblant particulièrement les jeunes filles et les femmes, permettra de les rendre actrices de cette transformation et non simples consommatrices. Il est aussi essentiel de renforcer la sensibilisation à la sécurité en ligne afin de rassurer celles qui hésitent à s’engager dans l’univers numérique par crainte des risques qu’il comporte.

L’avenir numérique de l’Afrique passera par ses femmes.

Réduire la fracture numérique entre les sexes, c’est bien plus qu’une question de justice sociale : c’est une nécessité stratégique pour le développement du continent. L’Afrique ne pourra pleinement exploiter son potentiel qu’en intégrant l’ensemble de sa population à l’ère du numérique.L’urgence n’est donc pas seulement de connecter plus de personnes, mais de le faire de manière inclusive. Car derrière chaque femme qui accède au numérique, c’est une entrepreneure qui émerge, une élève qui apprend, une famille qui s’élève et, à terme, un continent qui se transforme.