Canal + va conclure un accord de distribution exclusive avec la chaîne qatarie BeIN Sports pour une durée de cinq ans, a annoncé jeudi Vivendi, la maison mère de la chaîne cryptée.
BeIN Sports et Canal+Ce projet d’alliance prévoit que «l’ensemble des chaînes BeIN Sports en France seraient disponibles en exclusivité dans les offres du Groupe Canal+. Cet accord porterait sur une durée de 5 ans».
Le groupe français de médias permettrait à la chaîne sportive qatarie «de bénéficier de la force de la distribution de Canal+ et à l’ensemble des clients des deux sociétés de disposer d’une offre complète».
Cet accord entre dans le cadre d’un vaste plan de transformation de Canal+ en 2016 pour «arrêter les pertes». «Les six chaînes Canal + perdent de l’argent en France depuis 4 ans», explique Vivendi dans un communiqué publié à l’occasion de ses résultats annuels. Ces chaînes perdent des abonnés «depuis 2012» et ont enregistré une perte opérationnelle de 264 millions d’euros en 2015, «soit 76 millions d’euros de plus qu’en 2014».
Ces pertes s’expliquent, selon Vivendi, par l’augmentation des prix des droits de diffusion liée à «l’arrivée de nouveaux entrants nationaux et internationaux dans le sport et la fiction». «Cette situation menace l’ensemble du Groupe Canal+», prévient Vivendi.
Lutte sans merci
Extrêmement fédérateur, le sport est avec le cinéma, l’un des piliers de Canal +. Un produit d’appel pour lequel les chaînes de télévision se sont livré une lutte sans merci pour en remporter les droits de diffusion, un moyen de gagner des abonnés. Mais Canal+ s’est fait tailler des croupières depuis 2012 par BeIN Sports qui l’a dépossédée notamment de l’Euro-2016 ou du tournoi de tennis de Wimbledon.
Le logo du Groupe Canal+
Selon une étude du cabinet Deloitte, les droits télévisés sportifs sont estimés à 24,6 milliards d’euros par an, soit une augmentation de 12% en 2015.Ils aiguisent donc également l’appétit de nouveaux prétendants puissants comme Discovery (Eurosport), Altice (MCS) ou d’opérateurs télécoms comme Orange.
Le groupe Altice de Patrick Drahi a ainsi raflé à Canal + la diffusion du championnat anglais de football. De son côté, le numéro 1 mondial de la télévision payante Discovery a acquis des droits exclusifs de retransmission à la télévision en Europe des jeux Olympiques de 2018 à 2024.
Les 6 chaînes de Canal+ emploient 8.200 personnes et sont également un acteur important «dans le financement et le développement du cinéma français et international» où elles investissent «au total près de 800 millions d’euros par an». Le plan de transformation de Canal+ doit permettre de «revenir à l’équilibre» en 2018 car Vivendi n’a «pas les moyens de supporter indéfiniment les pertes des chaînes Canal+ en France», assure le groupe.
Repris au printemps 2015 en main par le président du directoire de Vivendi, Vincent Bolloré, Canal + a connu ces derniers mois de nombreux soubresauts.
Entre restructurations et hésitations
Le groupe de télévision a changé d’équipe de direction et l’émission satirique culte des «Guignols» a disparu quelques mois de l’antenne avant de réapparaître dans une version moins féroce. Symbole de l’image irrévérencieuse de Canal+, ce programme, à qui M. Bolloré reprochait un «abus de dérision», n’a dû sa survie qu’au tollé déclenché au début de l’été dans l’opinion et la classe politique par les rumeurs sur sa suppression. Ils sont de retour à l’antenne depuis la mi-décembre.
Côté direction, Rodolphe Belmer, directeur des antennes du groupe Canal+ a été débarqué en juillet; Bertrand Méheut, président du directoire de Canal+, a dû céder son poste. Venu de France Télévisions, Thierry Thuillier n’a été qu’un éphémère directeur des sports de Canal+.
Enfin, M. Bolloré a également été soupçonné par un collectif de journalistes et de la Société civile des auteurs multimédia (Scam) d’avoir fait censurer des reportages, dont l’un portant sur les manœuvres fiscales du Crédit Mutuel, banque partenaire de Vivendi.