Nombreux sont les organismes de régulation des télécommunications en Afrique qui sont réticents quant à l’idée d’accorder la licence globale, par crainte que cela ne conduise à une évolution du marché orientée vers de nouveaux services et une technologie haut débit, potentiellement au détriment de la qualité des services existants. Selon un rapport publié le 9 octobre par Ecofin Pro, intitulé « Licence globale : un atout pour réinventer le marché télécom africain, mais… », cette licence suscite l’intérêt des opérateurs télécoms pour ses avantages potentiels.

La licence globale, également connue sous le nom de « licence unifiée », autorise le déploiement de divers types de services et de technologies mobiles, tout en respectant les réglementations spécifiques à une bande de fréquences donnée. La GSMA (Association mondiale des opérateurs de téléphonie) explique que cette licence offre la possibilité de regrouper des services de communication tels que la voix, la vidéo, la messagerie instantanée et la data au sein d’une seule plateforme, améliorant ainsi l’expérience utilisateur et réduisant les coûts opérationnels.

En outre, la licence globale permet aux opérateurs de s’adapter aux nouvelles technologies au fur et à mesure de leur émergence, favorisant ainsi la concurrence et l’efficacité économique. Les opérateurs ne sont plus contraints d’investir dans des équipements obsolètes imposés par leur licence.

La GSMA soutient également que cette licence facilite la gestion des bandes de fréquence pour une utilisation simultanée de plusieurs technologies, telles que la 4G et la 5G, ainsi que le déploiement de réseaux dédiés à l’Internet des objets (IoT).

Enfin, les opérateurs télécoms en Afrique exercent une pression sur les autorités de régulation en vue de généraliser la licence globale, non seulement pour ses avantages techniques, mais aussi pour trouver de nouvelles sources de revenus à un moment où les marchés traditionnels connaissent un ralentissement.

Les opérateurs télécoms en Afrique sont de plus en plus préoccupés par la montée des risques de congestion de leurs réseaux. La part traditionnelle des revenus, issue des services vocaux, montre des signes de décroissance. De même, le secteur du Mobile Money, bien qu’implanté, stagne avec une offre principalement axée sur les paiements et les transferts d’argent, ce qui déçoit les opérateurs qui cherchent des opportunités de croissance dans des marchés très concurrentiels où plusieurs acteurs s’affrontent.

Malgré les avantages potentiels de la licence globale, très peu de pays africains l’ont adoptée jusqu’à présent, malgré les recommandations de l’Union internationale des télécommunications depuis 2004. Seuls une vingtaine de pays sur le continent ont entrepris une démarche pour l’adopter, notamment la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Nigeria, le Cameroun, le Kenya, la Tanzanie, l’Afrique du Sud, l’Égypte et la Tunisie.

Les régulateurs africains hésitent en raison de leurs préoccupations liées à la qualité de service. En pratique, même si des technologies comme la 3G+, 4G+ voire 5G sont déployées dans certains marchés africains dotés de la licence globale, les consommateurs continuent de faire face à des problèmes de qualité de service insatisfaisante. Les régulateurs craignent que lorsque divers services de communication (voix, données, vidéo, etc.) partagent la même infrastructure réseau, les risques de congestion augmentent, en particulier lors de pics de trafic. Cela se traduit par des dégradations de la qualité des services, tels que des retards dans la transmission de données ou des interruptions dans les appels vocaux.

Ce problème est déjà visible dans plusieurs marchés. Par exemple, au Sénégal, malgré l’obtention de la licence globale en 2016, Sonatel a été condamné à une amende de 2,5 milliards de FCFA en avril 2022 pour mauvaise qualité de service. Au Burkina Faso, en novembre 2022, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a mis en demeure les opérateurs télécoms, tous titulaires de licence globale, en raison de la mauvaise qualité de service.

En Tanzanie, où la licence globale est en vigueur depuis 2005, le régulateur a régulièrement rappelé les sept opérateurs télécoms à l’ordre concernant la qualité de service, mais les sanctions financières n’ont pas apporté de changement significatif jusqu’à présent.Pour les régulateurs, la solution réside dans la poursuite des investissements pour améliorer le réseau, une démarche que de nombreux opérateurs retardent pour des raisons de rentabilité financière.