Cheikh Tidiane Mbaye occupe le poste de président du jury international du Prix Orange de l’entrepreneur social en Afrique et au Moyen-Orient (POESAM). Au fil des années, il a eu l’occasion de passer en revue d’innombrables projets à fort potentiel. Dans une entrevue accordée naguère à We Are Tech, il a partagé ses réflexions sur l’impact de l’écosystème dynamique et du soutien financier instaurés par Orange sur l’innovation, ainsi que sa vision de l’Afrique dans l’économie numérique. Retrouvez, infra, l’essentiel de cette entrevue.

Interviewer de We Are Tech : Selon votre expérience en tant que président du jury du Prix Orange de l’entrepreneur social en Afrique et au Moyen-Orient, comment évaluez-vous le niveau d’innovation technologique en Afrique, à la lumière des projets que vous avez évalués au fil des ans ?

Cheikh Tidiane Mbaye : En effet, nous en sommes à la treizième édition du Prix Orange, et cela fait environ dix ans que je suis membre du jury, dont six ans en tant que président, si je me souviens bien. Lorsque nous observons l’évolution des candidatures, l’intérêt suscité par le prix et l’impact médiatique, nous constatons une forte croissance et un développement significatif. Pour illustrer cela, le nombre de candidats pour l’édition de cette année (2023) est d’environ 1 400, alors qu’il y a quatre ou cinq ans, nous étions à environ la moitié de ce chiffre. Nous avons presque doublé notre nombre en moins de cinq ans, ce qui est très encourageant. Un autre point à souligner est l’augmentation du pourcentage de femmes participantes. Actuellement, nous approchons les 30% de femmes, ce qui est très positif. Il est également important de comprendre que les projets présentés au POESAM reflètent les besoins spécifiques de l’Afrique. C’est fascinant d’observer comment ces projets démontrent non seulement la capacité des jeunes entrepreneurs à créer, innover et développer, mais aussi comment ils répondent aux besoins du continent africain. Par exemple, lors de la dernière édition, la majorité des projets portaient sur l’éducation, la santé, l’agriculture et l’e-commerce, dans cet ordre de priorité. Il est très intéressant de voir l’évolution de l’innovation dans ces domaines, et le Prix Orange récompense avant tout l’impact social.

Interviewer de We Are Tech : Pourquoi avez-vous personnellement accepté d’assumer le rôle de président du jury international ?

Cheikh Tidiane Mbaye : Comme je l’ai mentionné précédemment, je fais partie du jury depuis environ une décennie. On m’a proposé la présidence il y a quelques années, et j’ai accepté. Cependant, ce qui compte le plus pour moi, c’est mon rôle de membre du jury pendant toutes ces années. Mon choix est guidé par une passion et une conviction profondes. Ma passion réside dans le développement. Je suis passionné par le développement et les actions nécessaires pour y parvenir. Ma conviction est que nous pouvons y arriver. Nous avons les ressources nécessaires pour cela. Pour moi, l’une des clés réside dans le secteur privé et le rôle crucial des petites et moyennes entreprises dans le développement, ainsi que dans l’importance de l’innovation entrepreneuriale chez les jeunes. Le gouvernement a également un rôle à jouer. Une bonne gouvernance permettra d’accélérer ces processus malgré les obstacles rencontrés. C’est ce qui m’enthousiasme, et je suis prêt à participer à toutes les initiatives sérieuses qui servent cette passion et cette conviction. Mettre en lumière des projets qui ont un impact concret sur la vie quotidienne des populations du continent est une véritable motivation pour moi.

Interviewer de We Are Tech : Comment est née votre passion pour l’innovation qui soutient le développement ?

Cheikh Tidiane Mbaye : J’ai eu l’opportunité de travailler chez Orange pendant 25 ans, occupant notamment le poste de directeur général de Sonatel. Dans ce rôle, j’ai été impliqué dans un domaine différent, celui des infrastructures de télécommunication, qui joue un rôle essentiel dans le développement de l’entrepreneuriat technologique. Je crois fermement qu’une base solide et de bonnes infrastructures sont indispensables. Tout ce que nous avons accompli au fil des années repose sur les infrastructures que nous avons mis du temps à mettre en place. Nous avons pu constater les avantages que nos innovations en matière de réseau apportent aux communautés. Ce sont ces infrastructures sur lesquelles les services innovants des entrepreneurs se fondent et continueront de se fonder. Ces services novateurs sont développés par de jeunes talents africains, notamment ceux qui sont encouragés, soutenus et promus grâce à ce prix qui leur est d’une grande utilité. Ainsi, il y a une continuité entre mes expériences passées et mon engagement actuel.

Interviewer de We Are Tech : Pourquoi avez-vous personnellement accepté d’assumer le rôle de président du jury international ?

Cheikh Tidiane Mbaye : Je dois avouer que cette expérience m’apporte énormément d’apprentissages. En tant qu’expert dans le domaine des infrastructures, je suis confronté ici à l’innovation et aux start-ups. Les jeunes entrepreneurs que nous accompagnons aujourd’hui expriment parfois des reproches à l’égard des entreprises dans lesquelles j’ai travaillé. Cela me permet de prendre du recul et de chercher des moyens d’améliorer les choses. J’ai même eu l’occasion d’intervenir à plusieurs reprises dans différents pays où Orange est présent, afin de faciliter les relations entre les start-up et les opérateurs Orange, dont nous faisons partie. Les opérateurs sont souvent de grandes entreprises puissantes, mais ils ne prennent pas toujours en compte tous les aspects nécessaires. Ces interactions m’ont apporté de nouvelles connaissances et également une humilité. Je suis convaincu que l’inclusion numérique en Afrique est en cours et qu’elle n’est pas aussi mauvaise qu’on pourrait le penser.

Interviewer de We Are Tech : Quelle est votre évaluation de l’impact du POESAM au fil des années sur l’innovation technologique en Afrique et sur le développement économique et social en particulier ?

Cheikh Tidiane Mbaye : Le Prix Orange a apporté une aide significative à de nombreux entrepreneurs et start-ups. Je peux citer quelques exemples marquants. Prenons le cas de M. Johnson du Liberia, qui développe actuellement des produits à base d’huile de palme pour fournir des solutions d’énergie renouvelable. Grâce à la subvention qu’il a reçue du POESAM en 2018, il a doublé ses revenus et créé 24 emplois supplémentaires. Il y a également l’entreprise tunisienne Kumulus, qui a mis au point une machine capable de transformer l’air en eau. Grâce à notre soutien financier, elle a réussi à lever son premier million d’euros et à accroître sa visibilité. Elle travaille également en collaboration avec des entreprises du groupe Orange. Ce ne sont que quelques exemples parmi d’autres. Ces entreprises ont un impact réel sur leurs clients. Il ne faut pas oublier que le POESAM a inspiré et encouragé un grand nombre de jeunes Africains à oser entreprendre, et cela revêt une importance considérable. Il est important de souligner que Orange Afrique et Moyen-Orient couvre 19 pays. Chaque entreprise Orange dans chaque pays a contribué à stimuler l’innovation et l’émulation entrepreneuriale.

Interviewer de We Are Tech : D’après toutes les innovations que vous avez observées au cours des 13 dernières éditions, comment envisagez-vous l’avenir de l’Afrique dans l’économie numérique ?

Cheikh Tidiane Mbaye : Je suis convaincu que le continent africain jouera un rôle déterminant dans l’économie numérique. J’ai récemment rencontré un entrepreneur qui a quitté les grandes entreprises de la technologie mondiale pour retourner en Afrique. Il a délaissé une situation privilégiée pour créer sa propre start-up dans le domaine de la santé. Son choix, ainsi que celui de nombreux autres acteurs, est un indicateur positif de l’avenir prometteur de l’économie numérique en Afrique. De nombreux cabinets internationaux, la Banque mondiale, l’IFC et d’autres organismes spécialisés partagent cette vision optimiste. En tant qu’observateurs étroitement impliqués dans cet environnement dynamique entrepreneurial, nous avons une bonne perception de cette évolution.